Les tendances qui naissent sur internet ne restent plus confinées aux écrans. Elles provoquent des changements concrets dans le “vrai” monde. On pense aux ruptures de stock d’un article bien sûr, mais il y a d’autres pratiques sociales qui naissent ou changent après un “trend” sur TikTok. Cette influence tient à trois mécanismes. D’abord, le mécanisme viral qui permet à un contenu de toucher des millions de personnes en quelques heures.
Ensuite, l’émergence des influenceurs, devenus des prescripteurs puissants auprès de leurs audiences. Enfin, la transformation de plateformes comme TikTok et Instagram en outils de consommation à part entière, remplaçant Google pour les recherches de produits chez les jeunes générations.
Le mécanisme viral : comment cela fonctionne ?
Posons les fondamentaux. Une tendance devient “virale” lorsqu’elle se propage rapidement d’un utilisateur à l’autre sur les réseaux sociaux, chaque partage amplifiant exponentiellement sa visibilité. Ce mécanisme tient à trois éléments : un contenu facilement partageable, un algorithme qui amplifie sa diffusion, et des utilisateurs qui relaient volontiers.
En quelques heures, une publication peut donc passer de quelques centaines de vues à plusieurs millions. Et cela arrive dans tous les sujets de société : un “highlight” du match NBA de la nuit, un fragment de discours inspirant à une remise de diplôme, un milliardaire qui frôle les 420 km/h sur l’Autobahn, ou même un jackpot gagné à une machine à sous.
C’est d’ailleurs ce qui est arrivé en 2015 : un joueur britannique avait remporté 17,8 millions d’euros sur Mega Moolah, une machine à sous à laquelle l’heureux individu avait joué sur un casino en ligne. Une machine à sous, aussi appelée “slot” en anglais, est un jeu de casino où le joueur mise de l’argent pour faire tourner des rouleaux virtuels affichant différents symboles. Si les symboles s’alignent selon certaines combinaisons, le joueur gagne un montant prédéfini.
Toujours est-il que dans les semaines et les mois qui suivirent, Mega Moolah (développé par l’éditeur Micrograming) fut le jeu d’argent le plus recherché sur Google. L’annonce de ce gain record a été massivement relayée sur les réseaux sociaux et les sites d’actualité. Des captures d’écran du gain, des témoignages vidéo, des articles détaillant l’histoire du gagnant ont circulé pendant des semaines.
Cela a aussi contribué à faire connaître davantage les casinos en ligne auprès du grand public, qui avait des réticences et interrogations quant à ces opérateurs pas forcément médiatisés. Aujourd’hui, les joueurs se posent toujours la question : un casino en ligne est il fiable ou non ? La fiabilité reste un critère clé pour choisir un opérateur, mais de nombreux portails spécialisés aident les joueurs avec des comparatifs, des avis et tests, des actualités, etc.
Une presse spécialisée s’est d’ailleurs formée autour du secteur. Avec des mises bien plus accessibles qu’à un casino “physique”, des bonus à foison, des retraits en quelques heures, les plus gros opérateurs en ligne attirent désormais les joueurs… au détriment des établissements “de briques et de mortier” de Monaco, Deauville et Biarritz.
La figure de l’influenceur
La viralité ne se contente plus de diffuser l’information : elle crée une dynamique d’adhésion collective où chacun veut participer au phénomène. Mais pour cela, il faut une sorte de détonateur. Les réseaux sociaux ont donc logiquement donné naissance à une nouvelle profession : l’influenceur.
Ces individus ont construit des audiences importantes sur des plateformes comme Instagram, TikTok ou YouTube en publiant régulièrement du contenu autour de thématiques spécifiques (mode, beauté, jeux vidéo, cuisine, finance).
Leur pouvoir réside dans leur capacité à orienter les décisions d’achat de leurs abonnés, grâce à la confiance et à la proximité qu’ils établissent avec leur communauté. Contrairement aux publicités traditionnelles perçues comme impersonnelles, les recommandations d’influenceurs sont souvent vues comme des conseils d’amis. Cette perception rend leurs messages particulièrement efficaces !
Les marques l’ont compris et investissent massivement dans des partenariats rémunérés. Un influenceur peut être payé de plusieurs manières :
- Un montant fixe par publication : quelques centaines à plusieurs dizaines de milliers d’euros selon la taille de l’audience
- Un pourcentage sur les ventes générées via un code promotionnel personnalisé
- Ou alors des produits gratuits en échange d’une visibilité
Cette économie florissante a connu son lot de dérives… “Influvoleurs”, disent certains à l’image de Booba. “Culture du vide”, disent d’autres. En France, une poignée d’influenceurs ont en effet promu des produits dangereux ou frauduleux, àcompléments alimentaires non autorisés, des arnaques financières ou des interventions de chirurgie esthétique à l’étranger sans garanties sanitaires.
La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) n’est donc pas restée les bras ballants. En 2023, la France a adopté une loi spécifique encadrant l’activité d’influenceur commercial.
Ce texte impose aux influenceurs de mentionner clairement quand un contenu est sponsorisé, interdit la promotion de certains produits (notamment les services financiers risqués et les interventions médicales). Elle prévoit des sanctions pouvant aller jusqu’à deux ans de prison et 300 000 euros d’amende en cas de manquement.
Cette régulation vise à protéger les consommateurs, notamment les plus jeunes, particulièrement sensibles aux recommandations de leurs influenceurs préférés. Encore une fois, elle témoigne de l’influence concrète de ces acteurs numériques sur les comportements d’achat réels. Et donc de la nécessité d’encadrer leur pouvoir de prescription.
TikTok et Instagram sont-ils devenus les piliers de la société de consommation ?
Les jeunes générations ne cherchent plus leurs informations sur Google comme leurs aînés. Une étude du Pew Research Center révèle que 53 % des adultes américains s’informent régulièrement via les réseaux sociaux en 2025.
Chez les 18-29 ans, TikTok et Instagram sont devenus les plateformes privilégiées pour découvrir de nouveaux produits, obtenir des recommandations et prendre des décisions d’achat. Cette évolution transforme profondément la société de consommation.
Une autre étude de Tinuiti montre même que 65 % des consommateurs de produits de beauté de la génération Z ont effectué un achat après avoir vu un produit sur les réseaux sociaux. La proportion n’est que de 26 % seulement chez les baby-boomers. Un gap assez énorme.
Ce basculement vers les réseaux sociaux comme outils de consommation a plusieurs conséquences. D’abord, il accélère considérablement les cycles de tendance. Un produit peut devenir viral en quelques heures et se retrouver en rupture de stock le lendemain. Vous vous rappelez sans doute l’épisode improbable de la pâte à tartiner Morjdene, véritable sujet alimentaire de la dernière rentrée.
Ensuite, il renforce le pouvoir des créateurs de contenu et des influenceurs qui deviennent des intermédiaires incontournables entre les marques et les consommateurs.
Enfin, il crée malheureusement une société de consommation davantage volatile, où les modes se succèdent à un rythme effréné, encourageant une consommation rapide et souvent impulsive.

