Le marché français de l’énergie vit une mutation rapide. D’un côté, les fournisseurs historiques capitalisent sur un réseau robuste ; de l’autre, les acteurs verts gagnent du terrain chaque trimestre. La crise climatique, les hausses de prix 2022-2024 et la fin progressive du bouclier tarifaire ont changé la donne. Désormais, chaque foyer compare, négocie, arbitre. Faut-il rester chez un opérateur conventionnel ? Ou basculer vers un fournisseur d’énergie verte ? Pour éclairer le choix, nous passons au crible les modèles, les critères de décision et les chiffres 2025.
Définir les deux modèles
Fournisseur classique : héritage et structure tarifaire
Les fournisseurs dits « classiques » — EDF, Engie, TotalEnergies, mais aussi certains ELD régionales — s’appuient sur un mix dominé par le nucléaire et le gaz. Ils profitent d’économies d’échelle et d’un tarif réglementé de vente (TRV) encore plébiscité. Leur structure de coût reste lourde : centrales à entretenir, lignes à moderniser, obligations d’achat. Pourtant, ils sécurisent l’approvisionnement grâce à des contrats long terme et à une puissance installée excédentaire.
Fournisseur d’énergie verte : sourcing et garanties d’origine
Les opérateurs verts achètent ou produisent de l’électricité issue de sources renouvelables : éolien, hydro, solaire, biométhane. Pour prouver la provenance, ils utilisent les Garanties d’Origine (GO), tracées par Powernext. Certains fournisseurs investissent directement dans des parcs solaires coopératifs ; d’autres agrègent la production d’unités indépendantes. Leur promesse : une électricité zéro-carbone, parfois locale, souvent à prix fixe pendant douze ou vingt-quatre mois. Leur marge se concentre sur le marketing, la relation client et l’innovation numérique plutôt que sur la maintenance lourde.
Critères de comparaison retenus
- Mix énergétique et impact carbone : part réelle d’énergie renouvelable injectée, émissions de CO₂ par kWh livré.
- Prix de l’abonnement et du kWh : tarif base vs heures pleines / creuses, remises indexées, offres à prix bloqué.
- Volatilité tarifaire : exposition aux marchés spot, mécanismes de plafonnement, clauses de révision.
- Services annexes : application de suivi conso, coaching sobriété, objets connectés, hotline en France.
- Engagement sociétal : investissements dans de nouveaux parcs, gouvernance coopérative, transparence financière.
Ces cinq axes couvrent la performance environnementale, l’économie domestique et la qualité d’usage.
Étude de marché 2025 : acteurs majeurs et parts de marché
Un marché résidentiel encore dominé par les historiques, mais les offres vertes gagnent du terrain
- Électricité. Au 31 mars 2025, 14,81 millions de foyers – soit 42,5 % des 34,85 millions de sites – ont déjà quitté le tarif réglementé pour une offre de marché. Parmi eux, 132 000 ménages supplémentaires ont opté pour un fournisseur alternatif au seul 1ᵉʳ trimestre, portant la part des « alternatifs » à 36 % des nouveaux contrats résidentiels (cre.fr).
- Lecture : historiques vs verts. EDF et ENGIE restent leaders, mais la croissance se joue clairement du côté des marques « vertes » comme Alterna énergie. Leur dynamique s’explique par des tarifs plus compétitifs depuis la baisse de 15 % du TRVE en février, assortis de garanties d’origine 100 % renouvelable.
Concentration du marché : un oligopole qui s’effrite
- Malgré l’ouverture, la consommation reste concentrée : 76 % des volumes électriques totaux sont fournis via des offres de marché, mais à peine 44 % par des alternatifs.
- L’indice HHI (Herfindahl-Hirschman) recule encore dans tous les segments, mais il signale toujours un oligopole : EDF et ENGIE pèsent ensemble plus de 60 % des volumes résidentiels.
Demande « verte » côté entreprises : un moteur stratégique
Le basculement vers des contrats verts n’est plus seulement une affaire de prix ; il répond à la pression décarbonation :
Affirmation | Total des décideurs industriels européens qui « approuvent »* | Pic observé |
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« Décarboniser l’industrie est nécessaire pour répondre à l’urgence climatique » | 90 % | 94 % en Belgique |
« La décarbonation pousse les entreprises à innover » | 93 % au Royaume-Uni | |
« Le mouvement est déjà bien engagé » | 75 % en moyenne | 86 % au Royaume-Uni |
* Enquête OpinionWay auprès de 1 336 décideurs (mars 2025) (OpinionWay) |
Ces résultats traduisent une demande forte de la part des industriels pour des contrats d’électricité bas-carbone ; ils expliquent la percée des fournisseurs 100 % renouvelables sur les marchés B2B depuis début 2025.
Analyse détaillée par critère
Performance environnementale
D’abord, le bilan carbone. Les études RTE montrent qu’un kilowattheure nucléaire émet environ 6 g de CO₂, contre 18 g pour l’hydraulique, 24 g pour l’éolien terrestre, 40 g pour le solaire, plus de 400 g pour le gaz. Les fournisseurs classiques mélangent encore nucléaire et fossile ; la moyenne grimpe à 70 g. Les opérateurs verts affichent moins de 30 g, grâce aux GO et à la sortie complète du thermique. De plus, certains réinvestissent 1 % du chiffre d’affaires dans de nouveaux parcs locaux. Ainsi, l’impact baisse mécaniquement année après année.
Compétitivité économique
Ensuite, le prix. En février 2025, le TRV Base s’établit à 0,251 €/kWh. Les meilleures offres vertes indexées tournent à –5 % du TRV. Les formules 100 % fixes restent environ 3 % plus chères, mais elles protègent des pics de marché. De plus, les opérateurs verts suppriment souvent les frais de mise en service et offrent la résiliation sans pénalité. Pour un foyer de 4 000 kWh/an, l’écart final avoisine 60 € par an. Ce différentiel se compense vite avec les primes « sobriété » : bonus de 30 € dès 5 % d’économie d’énergie constatée sur l’application mobile.
Qualité de service et innovation numérique
Enfin, la relation client. Les acteurs traditionnels possèdent encore des agences physiques, gage de proximité. Cependant, les enquêtes CSA révèlent un taux de satisfaction de 78 %. Les fournisseurs verts atteignent 87 %, grâce à des hotlines basées en France, des chatbots réactifs et des tableaux de bord conso en temps réel. Ils proposent aussi de coupler le contrat à une box IoT : thermostat connecté et prises intelligentes pilotées depuis un smartphone. Les audits AFNOR soulignent une résolution de litige en moins de 48 h, contre 72 h côté classique.
Perspectives : régulation, nouvelles technologies et évolutions tarifaires
À court terme, la CRE doit revoir la méthode de calcul du TRV afin de refléter le coût réel du nucléaire post-Grand Carénage. Parallèlement, Bruxelles finalise le « Market Design » : il encouragera les PPA (accords d’achat direct entre producteur renouvelable et gros client). Les fournisseurs verts comptent sur ces contrats longs pour verdir plus vite encore le mix. Par ailleurs, l’autoconsommation collective s’étend. Les syndics installent des toitures photovoltaïques et redistribuent l’énergie dans les parties communes. Dès 2026, la facture globale pourrait baisser de 7 % dans les immeubles équipés. Enfin, l’hydrogène renouvelable arrive. Les opérateurs classiques, propriétaires de stockages souterrains, entendent bien devenir incontournables dans ce nouveau segment.
Conclusion : quel fournisseur choisir en 2025 ?
En résumé, 2025 marque un tournant : quatre foyers sur dix ne dépendent plus du tarif réglementé, et près d’un client gaz sur deux a déjà migré vers un fournisseur alternatif. Portées par la demande de décarbonation – 9 décideurs industriels sur 10 jugent l’enjeu vital – les offres vertes grignotent chaque trimestre des parts de marché aux acteurs historiques. Le duel « fournisseur vert vs classique » ne fait que commencer et l’offre verte n’est plus un luxe militant. Elle rivalise sur le prix, devance sur l’innovation et réduit l’empreinte carbone. Le fournisseur classique garde toutefois deux atouts : la stabilité du TRV et une puissance de production qui absorbe les pics de demande.
Le bon choix dépend donc de trois paramètres : votre consommation annuelle, votre tolérance à la volatilité et votre sensibilité environnementale. Si vous chauffez peu et souhaitez réduire votre impact, l’électricité verte s’impose. Si vous possédez une pompe à chaleur énergivore et cherchez la protection maximale, le TRV reste pertinent. Dans tous les cas, relisez votre contrat chaque année : le marché évolue, vos besoins aussi.